NOTRE AGRICULTURE BRULE, ET NOUS REGARDONS AILLEURS

Le pacte productif, annoncé par le gouvernement le 19 juin dernier, vise à relancer l’économie française. La FNSEA, Coop de France et l’ANIA ont décidé de profiter de cette opportunité pour défendre la compétitivité des entreprises agricoles et agroalimentaires françaises, lors d’une conférence de presse commune le 1er octobre.

« Notre agriculture brule, et nous regardons ailleurs ». C’est en détournant la fameuse citation de Jacques Chirac que Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, a ouvert la conférence de presse qui s’est tenue le 1er octobre dernier. Le constat qu’elle fait est largement partagé par Dominique Chargé, président de Coop de France, et Richard Girardot, président de l’ANIA : les filières agricoles et agroalimentaires françaises ne cessent de perdre en compétitivité. L’un des marqueurs les plus représentatif de cette situation est la balance agricole de la France dans les échanges intra-européens, qui est cette année pour la première fois devenue négative.

Pour répondre à cet enjeu de taille, les trois organisations ont présenté leurs recommandations pour relancer l’économie française. Elles s’articulent en trois axes majeurs : la compétitivité-coût des filières, l’investissement et l’emploi.

Une compétitivité en berne

« Un certain nombre de nos productions perdent leur compétitivité. C’est le cas de la viande de volaille, qui est massivement importée à destination de la restauration hors domicile », détaille Christiane Lambert.

Pour regagner cette compétitivité, le premier objectif est de mettre fin aux distorsions de concurrence. « Le Président de la République avait promis de ne plus surtransposer la règlementation européenne. Nous n’en n’avons jamais vu la couleur », regrette Christiane Lambert. Il faut d’autre part arrêter d’importer les produits que nous ne voulons pas produire chez nous, en appliquant l’article 44 de la loi EGALIM qui interdit la vente de produits ne respectant pas les normes de production ou de traçabilité européenne.

Il est ensuite nécessaire de stopper l’accumulation de mesures punitives, grevant la compétitivité des exploitations, et dont l’efficacité n’a pas été prouvée. Les trois intervenants ont ainsi cité plusieurs mesures vivement critiquées par l’AGPB. Au niveau français : l’augmentation de la RPD (redevance pour pollution diffuse), ou encore la mise en place de Zones de Non-Traitement. Au niveau européen : la mise en place de taxes antidumping sur les importations de solution azotée, qui engendreront des surcouts aux exploitations céréalières européennes. « Nous demandons à ce que pour chaque nouvelle norme mise en place, une réelle étude d’impact soit réalisée », insiste Christiane Lambert, revendication de très longue date de l’AGPB.

Un sous-investissement

Christiane Lambert fait le constat suivant : l’âge moyen d’un pulvérisateur est de 13 ans. Difficile donc, dans ce contexte, de répondre aux demandes sociétales et d’utiliser les dernières technologies antidérive. De même, l’âge moyen d’un poulailler est de 20 ans…  Dans un contexte d’agribashing permanent, s’engager dans l’achat d’un bâtiment, dans l’accroissement de son activité, devient de plus en plus difficile psychologiquement : et si tout s’arrêtait demain ?

Même son de cloche chez les industriels. Ainsi, selon Dominique Chargé, du fait de marges réduites, les investissements dans le secteur agroalimentaire sont moindres que dans le reste de l’industrie française : 17% du Chiffre d’affaires, contre 21% en moyenne. Pire : cet investissement a diminué de 2% en France, alors qu’il a grimpé de 50 % en Allemagne et de 16% dans toute l’Europe. « Nous sommes en retard sur des axes moteurs tels que la digitalisation, la robotisation ou encore l’environnement », détaille Dominique Chargé.

Les trois organisations demandent donc l’abaissement du seuil d’accès aux financements publics, et la simplification des démarches administratives, en particulier pour les TPE et PME qui constituent l’essentiel des entreprises du secteur. Le déficit d’investissement est également problématique en ce qui concerne les infrastructures de transports, en particulier dans le ferroviaire et le fluvial, des modes de transports compétitifs et durables et surtout de vrais leviers de compétitivité pour la filière céréales notamment. Christiane Lambert insiste enfin sur la nécessité d’assouplir et d’accélérer les démarches administratives nécessaires au lancement de certains projets d’investissements : « Face au mastodonte administratif, beaucoup d’agriculteurs se découragent ».

L’emploi, sujet charnière

Un investissement n’a aucun sens s’il est ensuite impossible de le faire tourner humainement. Or les entreprises agricoles et agroalimentaires ont de plus en plus de mal à recruter, malgré un potentiel très important. Dans l’agroalimentaire, 21 000 emplois n’ont pas été pourvus en 2018, contre 17 000 en 2017.

D’autres propositions sont listées dans le Pacte productif rédigé par les trois organisations, qui entendent bien les faire vivre également en région et dans les territoires, en les portant auprès des élus.