PAC après 2020 : succès de la consultation sans consensus sur les objectifs

La Commission européenne organisait le 7 juillet à Bruxelles une grande conférence intitulée « La PAC, donnez votre avis ». L’évènement avait pour but de présenter les résultats de la consultation publique ouverte de février à avril dernier sur le futur de la PAC, à laquelle l’AGPB avait appelé à répondre. Autre objectif de la Commission : permettre un large débat dans la salle de conférence, pleine à craquer, où l’AGPB était présente.

En introduction, le commissaire à l’agriculture Phil Hogan (photo) a réaffirmé son engagement à simplifier la PAC, vers plus de subsidiarité pour les Etats membres, une orientation du contrôle de conformité vers les résultats, et l’usage d’images satellite pour alléger les contrôles sur place.

La consultation a connu un large succès, avec 323 000 contributions. Dont une grande majorité émises ou suscitées par des ONG et associations de la « société civile ». La Commission, en éliminant les campagnes d’opinion et autres « copier/coller », compte finalement 58 000 « vraies réponses » au questionnaire en ligne, dont 21 000 émanant d’agriculteurs, 28 000 d’autres citoyens individuels et 9 000 d’organisations (publiques, professionnelles ou ONG). Ces chiffres dépassent largement les 5 700 réponses à la consultation de 2010 avant la dernière réforme de la PAC.

La Commission européenne a présenté l’analyse des 58 000 réponses, sachant qu’elles sont avant tout… allemandes (32 000 réponses soit 56% du total), la France arrivant en seconde position (6 700 réponses soit 11%), suivie par l’Autriche (7%) et l’Espagne (5%). La majorité des répondants s’accordent sur les principaux défis de l’agriculture : un niveau de vie équitable pour les agriculteurs, la protection de l’environnement et la croissance et l’emploi. Il en est de même pour les instruments de l'actuelle PAC les mieux adaptés : les paiements directs et le développement rural. La quasi-totalité des répondants estime aussi que les agriculteurs ne perçoivent qu’une petite part des prix payés par le consommateur, que le revenu agricole est très inférieur au revenu moyen et que les agriculteurs de l’UE sont confrontés à des exigences plus sévères qu’ailleurs. Une majorité pense aussi, contrairement à l’AGPB, que la PAC actuelle ne permet pas de relever les défis environnementaux. Enfin, les répondants s’accordent sur les priorités à renforcer dans la future PAC : la croissance, le changement climatique et le renforcement du marché unique, et sur le fait que la PAC doit rester européenne : il est nécessaire d'avoir des règles uniques dans un marché unique, les défis étant transfrontaliers et un budget commun étant considéré comme le plus efficace.

Mais le consensus s’arrête là, et de profondes divergences apparaissent sur les objectifs de la future PAC. Les agriculteurs et les organisations, comme l’AGPB, mettent en avant la viabilité économique de la production : revenu, compétitivité, protection contre les incertitudes du marché. Au contraire, les autres citoyens assignent l’environnement, le climat et la qualité des produits comme premiers objectifs de la PAC, et s'intéressent peu aux incertitudes du marché et à la compétitivité agricole. Ces divergences se répercutent sur l’architecture de la future PAC : si tout le monde souhaite renforcer la position des agriculteurs dans les chaînes de valeur (plus facile à dire qu’à faire !), les paiements directs n’ont la faveur que de 53% des citoyens (contre 80% des agriculteurs et organisations), ces paiements devant, d'après eux, être alloués avant tout en fonction des bénéfices environnementaux (eau, émission et séquestration de carbone, biodiversité, sols) et concentrés sur les petits producteurs.

Un consensus existe pour critiquer la PAC actuelle, pour la moderniser, la simplifier, la garder européenne et pour renforcer la position des agriculteurs dans la filière. Mais la tension est forte entre l’objectif économique prôné par les agriculteurs et autres professionnels, et l’environnement mis en avant par les autres citoyens.

La Commission européenne se garde bien, à ce stade, de tirer une conclusion sur la manière de concilier ces deux objectifs. La prochaine étape sur la longue route de la future réforme de la PAC est la présentation par la Commission d’une « communication sur la modernisation et la simplification de la PAC », attendue en fin d’année 2017, et qui devrait prendre en compte les résultats de la consultation.

Nicolas Ferenczi